L’optimisation fiscale est un enjeu majeur pour les entreprises qui souhaitent réduire leur charge imposable et améliorer leurs résultats financiers. Parmi les dispositifs fiscaux disponibles, l’amortissement dérogatoire offre une possibilité intéressante pour les sociétés. Il s’agit donc d’une option fiscale qui a pour but de favoriser l’investissement des entreprises tout en allégeant leur charge fiscale.
Cet amortissement ne correspond pas à la réalité économique et n’a pas pour vocation de refléter la dépréciation réelle du bien, contrairement à l’amortissement linéaire ou dégressif. De ce fait, il est qualifié de “dérogatoire” car il déroge au principe général de l’amortissement comptable. Dans cet article, nous aborderons la définition de l’amortissement dérogatoire, ses conditions d’application, quand l’utiliser, comment le comptabiliser et calculer, ainsi que quelques exemples concrets.
Définition de l’amortissement dérogatoire
L’amortissement dérogatoire se définit comme un amortissement fiscal supplémentaire accordé aux entreprises pour certains investissements et biens spécifiques, indépendamment de la réalité économique. Il constitue donc une option fiscale visant à encourager l’investissement tout en réduisant la charge fiscale des entreprises concernées.
L’amortissement dérogatoire est une pratique comptable permettant à une entreprise de constater une dépréciation supplémentaire sur certains biens. Il s’agit d’une option fiscale qui permet de réduire temporairement la base imposable de l’entreprise, en plus de l’amortissement classique. Le but de cette méthode est d’accélérer la prise en compte des pertes de valeur des biens et de favoriser l’autofinancement de l’entreprise en améliorant sa capacité à générer du cash-flow.
Conditions pour utiliser l’amortissement dérogatoire
Pour pouvoir bénéficier de l’amortissement dérogatoire, plusieurs conditions doivent être remplies :
- Le bien concerné doit être amortissable selon le plan comptable général (PCG). Ainsi, les immobilisations corporelles, comme les véhicules ou les machines, sont éligibles, contrairement aux immobilisations incorporelles, telles que les marques ou les brevets.
- L’entreprise doit être soumise à l’impôt sur les sociétés (IS) ou à l’impôt sur le revenu (IR) dans la catégorie des bénéfices industriels et commerciaux (BIC).
- La demande d’amortissement dérogatoire doit être effectuée lors de la première utilisation du bien concerné, c’est-à-dire au moment de son acquisition ou de sa création.
- Être en mesure de justifier de la nécessité de cet amortissement sur le plan fiscal ;
- Concerner des biens éligibles à l’amortissement dérogatoire, tels que les véhicules de tourisme, les logiciels informatiques ou encore certaines immobilisations ;
- Prendre la décision d’utiliser cet amortissement avant la clôture de l’exercice comptable concerné.
Il est important de noter que l’amortissement dérogatoire ne peut pas être utilisé pour tous les biens de l’entreprise. Par exemple, il n’est pas possible de l’appliquer aux biens acquis en crédit-bail ou en location-vente. Pour finir, l’amortissement dérogatoire est facultatif et qu’il revient à l’entreprise de décider si elle souhaite ou non y recourir.
Quand utiliser l’amortissement dérogatoire
L’amortissement dérogatoire est particulièrement utile dans certaines situations :
- Pour lisser les résultats : si une entreprise connaît des variations importantes de ses résultats d’une année sur l’autre, elle peut opter pour l’amortissement dérogatoire afin de répartir les charges liées à l’acquisition d’un bien sur plusieurs exercices et ainsi lisser ses résultats financiers.
- Pour financer des investissements : en diminuant la charge fiscale, l’amortissement dérogatoire permet de dégager davantage de trésorerie pour financer de nouveaux investissements.
- Lorsque l’entreprise prévoit un fort développement et souhaite renforcer sa capacité d’autofinancement pour financer ses investissements futurs.
- Quand l’entreprise connaît des fluctuations importantes de sa charge d’impôt, par exemple en cas de variation importante de bénéfice d’une année sur l’autre.
- Pour anticiper une hausse de l’imposition : si une entreprise prévoit que son taux d’imposition va augmenter dans les années à venir, elle peut choisir d’utiliser l’amortissement dérogatoire afin de réduire sa base imposable dès maintenant et ainsi payer moins d’impôts.
En revanche, il convient de peser les avantages et les inconvénients de cette option fiscale. Bien qu’elle permette de réduire temporairement la charge fiscale, elle entraîne également une augmentation future de l’impôt, puisque les amortissements seront moins importants dans les années suivantes.
Avantages de l’amortissement dérogatoire
Les principaux avantages de l’amortissement dérogatoire sont les suivants :
- Réduction temporaire de la base imposable, permettant de diminuer l’impôt.
- Amélioration de la capacité d’autofinancement de l’entreprise grâce à une meilleure trésorerie.
- Flexibilité dans la gestion de la charge d’impôt sur plusieurs exercices.
Inconvénients de l’amortissement dérogatoire
L’amortissement dérogatoire présente également quelques inconvénients :
- Augmentation future de la charge d’impôt, due à la diminution des amortissements sur les exercices suivants.
- Complexité accrue de la gestion comptable.
- Risque de mauvaise perception de la rentabilité de l’entreprise par les partenaires financiers.
Comptabilisation de l’amortissement dérogatoire
L’amortissement dérogatoire doit être comptabilisé distinctement de l’amortissement normal. En effet, il convient de créer un compte spécifique dans la comptabilité de l’entreprise pour suivre cet amortissement dérogatoire.
La comptabilisation de l’amortissement dérogatoire se fait à travers deux écritures comptables distinctes :
- 1. L’écriture d’amortissement proprement dite :
- Enregistrement de l’amortissement dérogatoire dans un compte spécifique (6875 “Dotations aux amortissements dérogatoires”).
- Débit du compte 6815 “Dotations aux amortissements dérogatoires”
- Crédit du compte 28089 “Amortissements dérogatoires”
- 2. L’écriture de reprise de l’amortissement dérogatoire :
- Imputation de cet amortissement sur un compte de régularisation passive (1087 “Report à nouveau – Amortissements dérogatoires”).
- Débit du compte 28089 “Amortissements dérogatoires”
- Crédit du compte 7815 “Reprises sur amortissements dérogatoires”
Il est essentiel de bien distinguer ces écritures de celles relatives à l’amortissement normal, afin de garantir la transparence et la traçabilité des opérations. Il convient de noter que l’amortissement dérogatoire doit être calculé selon le même mode que l’amortissement classique (linéaire ou dégressif). Toutefois, il peut être pratiqué sur une durée différente, généralement plus courte.
Comment calculer l’amortissement dérogatoire
Le calcul de l’amortissement dérogatoire dépend de la nature du bien concerné et des modalités d’amortissement choisies (linéaire ou dégressif).
Le calcul de l’amortissement dérogatoire se fait de la manière suivante :
- Déterminer la valeur d’origine du bien (coût d’acquisition ou de création).
- Appliquer le taux d’amortissement dérogatoire choisi, en fonction de la nature du bien et de la durée d’utilisation prévue.
- Multiplier la valeur d’origine par le taux d’amortissement dérogatoire pour obtenir le montant annuel de l’amortissement dérogatoire.
Voici un exemple simple pour illustrer ce calcul :
Supposons qu’une entreprise acquiert une machine pour 10 000 €. La durée normale d’utilisation de cette machine est de 5 ans, soit un taux d’amortissement linéaire de 20% (100% / 5 ans).
Si l’entreprise décide d’appliquer un amortissement dérogatoire sur 3 ans, le taux sera de 33,33% (100% / 3 ans). Le montant annuel de l’amortissement dérogatoire sera alors de 3 333 € (10 000 € x 33,33%).
Exemples d’amortissement dérogatoire : impact sur la trésorerie et l’impôt
Pour mieux comprendre l’impact de l’amortissement dérogatoire, prenons l’exemple d’une entreprise ayant réalisé les opérations suivantes au cours d’un exercice :
Premier exemple d’amortissement dérogatoire
- Acquisition d’une machine pour 10 000 €.
- Application d’un amortissement dérogatoire sur 3 ans, avec un montant annuel de 3 333 €.
- Bénéfice avant impôt de 12 000 €.
- Sans amortissement dérogatoire, l’amortissement classique serait de 2 000 € (10 000 € / 5 ans), et le bénéfice imposable de 10 000 € (12 000 € – 2 000 €).
- Avec amortissement dérogatoire, le bénéfice imposable serait de 8 667 € (12 000 € – 3 333 €), soit une économie d’impôt de 1 333 €.
- Cependant, les années suivantes, l’amortissement dérogatoire ne sera plus applicable, entraînant une augmentation de la base imposable et donc de l’impôt à payer.
Deuxième exemple d’amortissement dérogatoire
- Véhicule de tourisme : l’amortissement dérogatoire est plafonné à 18 300 euros pour les véhicules dont le prix d’acquisition est inférieur ou égal à 30 000 euros, et à 9 900 euros pour les véhicules dont le prix d’acquisition est supérieur à 30 000 euros.
- Logiciel informatique : l’amortissement dérogatoire est équivalent à 100% de la valeur d’acquisition du logiciel sur 12 mois.
- Certaines immobilisations : l’amortissement dérogatoire est fixé à 20% de la valeur d’acquisition de l’immobilisation sur 5 ans.
En conclusion, l’amortissement dérogatoire est une option fiscale intéressante pour les entreprises souhaitant optimiser leur trésorerie et leur capacité d’autofinancement. Toutefois, il convient de bien analyser les conséquences à long terme de cette décision sur la charge d’impôt et la perception de la rentabilité de l’entreprise par les partenaires financiers. L’amortissement dérogatoire représente une opportunité intéressante pour les entreprises soumises à l’IS ou l’IR dans la catégorie des BIC qui souhaitent optimiser leur fiscalité et encourager l’investissement. Il convient néanmoins de respecter les conditions d’éligibilité et de bien maîtriser la comptabilisation et le calcul de cet amortissement, afin d’en tirer pleinement profit.